Chat ? Vous avez dit chat ? [mission]

Yuma venait d’avoir une rencontre pour le moins sinistre avec un dénommé Kurusa Gakuryoku. Cet homme avait été le premier à lui hérisser le poil de la sorte, bien qu’il n’ait rien tenté en sa présence, la petite féline s’était sentie en danger et prise au piège durant toute leur discussion. Mais était-ce là peut-être l’effet de cette puissante magie noire qu’elle avait pu sentir émaner de sa personne, quoi qu’il en soit, cet homme l’avait chargé d’une petite mission. Une mission que, malgré son tempérament, Yuma ne put refuser, il s’agissait de retrouver un autre félin dans son genre, ou pas tant que çà. Si elle avait bien suivie les informations qu’il lui avait généreusement imposée d’écouter, il s’agissait d’un chat démoniaque. Celui-ci était puissant et notre conseiller s’inquiétait de ses multiples apparitions récemment. Il voulait donc que Yuma lui serve d’intermédiaire afin de s’enquérir des intentions du chat des enfers. Il précisa à notre jeune amie qu’elle avait de grande chance de le trouver dans la forêt des morts de Foreslate, et qu’elle se verrait pour cette mission accorder une partenaire qu’elle aurait la joie de rencontrer au point de rendez-vous que Kurusa avait fixé pour elles deux.

Ce fut donc quelques jours après cette rencontre que Yuma se retrouvait à présent à l’orée de cette forêt mortuaire, elle était la première sur les lieux et attendait donc celle qui tout comme elle avait eu la malchance de rencontrer ce sombre conseiller. Cependant un malheur ne venait jamais seul et après une première mauvaise rencontre, allait en suivre une deuxième. Mais pour l’heure, Yuma était seule et en profitait pour se prélasser dans l’herbe. Elle avait bien le droit de prendre un peu de bon temps sans savoir ce qui l’attendait dans cette forêt au nom si accrocheur et révélateur. Tout en somnolant à moitié, Yuma essayait de revenir sur le nom de ce chat qu’elle devait trouver. Elle se souvenait du début de celui-ci mais la suite ne lui revenait pas, enfin cela n’avait guère d’importance, des chats démoniaques, il ne devait pas en avoir tant que cela dans ces bois.

La forêt des morts… Un lieu sinistre qui avait bien mauvaise réputation parmi le peuple. Il suffisait de voir la réaction des gens quand elle avait aimablement demandé comment on pouvait s’y rendre. Il faut dire que l’endroit était connu pour les nombreuses disparitions qui y avaient eu lieu. D’après les légendes, y entrer, c’était facile, mais en sortir, c’était une toute autre affaire… C’était pourtant à cet endroit qu’Alaël se dirigeait actuellement. Elle n’en était pas particulièrement ravie, certes, mais avançait tout de même d’un bon pas. Pourquoi alors allait-elle là-bas me direz-vous. Eh bien, c’est une longue histoire…

Plusieurs jours auparavant, Alaël se baladait gaiement dans les rues de Valua, après avoir passé quelques heures dans une taverne de la ville. N’ayant pas fait de rencontre intéressante, c’est seule qu’elle traversait les rues sombres du quartier où elle se trouvait à cette heure de la journée. Elle n’avait cependant pas remarqué que quelqu’un la suivait depuis qu’elle avait quitté l’établissement, et c’était donc en toute insouciance qu’elle se déplaçait. Après plusieurs minutes de marches, son poursuivant décida de se manifester :

« Alors ma jolie, on se balade seule dans les rues à cette heure-ci ? Ce n’est pas très prudent tout ça… Imagine que quelqu’un avec de mauvaises intentions arrive soudainement… »

Alaël leva un sourcil interrogateur vers l’homme qui venait de lui adresser la parole. Si elle ne se trompait pas, c’était lui la personne mal intentionnée. Elle poursuivit sa route, sans se soucier le moins du monde de son interlocuteur, qui accéléra et posa sa main sur son épaule :

« Ce n’est pas très poli de ne pas… »

L’homme ne put terminer sa phrase, car après un petit croc-en-jambe, il se retrouva le nez sur le sol, a reniflé la bonne odeur du trottoir. Elle lui dit alors :

« Et ce n’est pas très malin d’accoster les gens en pleine rue sans réfléchir à qui on a affaire ! »

L’homme poussa un grognement en guise de réponse, et tenta de se relever mais Alaël lui fit une clé de bras afin de la maintenir au sol. Elle s’apprêtait à lui lancer quelques sarcasmes lorsqu’un long frisson glacé lui parcouru l’échine. La sensation de froid se généralisa, et lorsqu’elle tourna la tête derrière elle, elle découvrit un homme d’aspect inquiétant qui s’avançait lentement vers eux. Il prit la parole, d’une voix qui fit se dresser quelques cheveux sur la tête de la jeune fille :

« Eh bien, on dirait que l’on s’amuse bien ici… »

Alaël garda le silence, non seulement parce qu’elle ne savait pas quoi répondre, mais aussi parce qu’elle sentait qu’il valait mieux qu’elle laisse le nouvel arrivant poursuivre :

« Vous semblez être une jeune fille de caractère, voilà qui pourrait… convenir ? »

Alaël ignorait ce qu’il entendait par « convenir », mais cela ne lui disait rien qui vaille. Elle relâcha sa prise sur l’homme qui allongé sur le sol, qui en profita pour partir à toutes jambes. Son interlocuteur ne tenta rien pour l’en empêcher, il semblait ne pas s’intéresser de près ou de loin à lui. Son regard était fixé sur la jeune fille, qui sentait en son for intérieur qu’il ne servirait à rien d’imiter ce dernier. L’homme reprit la parole :

« Je me nomme Kurusa Gakuryoku, je suis membre du conseil magique. Et j’aimerais que vous me rendiez un petit service… Une bagatelle, rassurez-vous. »

« Un service… »murmura-t’elle.

Le fait qu’il s’agisse d’un conseiller ne la rassura en rien. Au contraire, elle s’en sentit plus menacée. Elle écouta en silence les propos du conseiller, qui ne semblait pas ignorer l’effet qu’il produisait sur elle :

« Il se trouve qu’une créature un peu inquiétante apparaît un peu trop souvent à mon goût ces derniers temps. Un démon, sous la forme d’un chat plus précisément. D’après les informations que je possède sur lui, il est très puissant, mais ne semble pas animé d’intentions belliqueuses. Auriez-vous l’extrême obligeance d’aller à sa rencontre et de savoir ce qu’il veut ? Je vous en serais extrêmement reconnaissant. »

Un chat démon ? Voilà qui ne lui inspirait pas confiance ! Cependant, était-ce raisonnable de refuser de rendre service à un conseiller ? Surtout lorsqu’il pourrait vous pétrifier sur place tellement son aura était angoissante ?

« J..je… euh… »

« Vous me semblez qualifiée pour ce travail… Je pense que vous serez capable de convaincre ce démon de vous confier ses intentions. Et cela me peinerait vraiment que vous refusiez… »

Le sous-entendu était flagrant, mais elle ignorait s’il s’agissait d’un bluff ou non. Elle décida cependant de ne pas prendre le risque de le vérifier.

« D…d’accord, j’accepte de vous rendre ce service. Mais euh… Où puis-je le trouver ? »

« Magnifique ! Eh bien, la forêt des morts me semble un bon point de départ pour commencer les recherches. Bien sûr, il y a une récompense à la clé ! Et aussi, évitez de prononcer son nom, il pourrait apparaître, et je préfère que cette rencontre reste…discrète. Mais suis-je étourdi ! Vous ignorez son nom, bien sûr. »

Alaël pensa intérieurement que cela tombait sous le sens. Le conseiller lui tendit un bout de papier, sur lequel était écrit le mot « Genesai », et précisa qu’il s’agissait du nom du démon. Elle se demanda pourquoi il ne l’avait pas laissé dans l’ignorance, cela aurait diminué ses chances de le prononcer. Sur ce, le conseiller lui confia qu’il lui trouverait un partenaire, qu’elle devrait retrouver à l’entrée de la forêt, avant de disparaître dans l’ombre. Un peu secouée de cette rencontre, elle reprit son chemin, son esprit assaillit de nombreuses questions.

Et voilà comment elle se retrouvait ici, pas très loin de sa destination, à ruminer de sombres pensées. Elle se demandait vaguement qui pourrait bien être son « partenaire » pour cette mission, elle espérait en tout cas bien s’entendre avec. Après tout, quitte à errer à jamais dans un labyrinthe végétal, autant que cela soit en bonne compagnie ! C’est ainsi qu’elle découvrit… Yuma ! Elle se figea sur place, et pensa un instant faire demi-tour. La dernière fois qu’elle l’avait rencontré, la féline ne lui avait pas inspiré grande confiance, elle s’était montrée particulièrement réfractaire à toutes formes de communications « amicales ». Elle soupira, et une fois arrivé à sa hauteur s’exclama :

« Salut ! Comment on se retrouve ! Dire que je pensais que cette mission serait difficile, mais j’ai déjà trouvé le chat démoniaque ! Ahahah ! »

Yuma, à force de se laisser bercer par cette brise passagère, finit par s’assoupir en plein milieu des hautes herbes. Mais cette cachette naturelle n’était pas suffisante pour masquer son éclatante fourrure blanche, résultat lorsqu’Alael arriva à son tour sur les lieux, cette dernière n’eut aucun mal à repérer la petite féline. Et n’eut aucun scrupule à la sortir de son sommeil, elle n’entendit pas le début de sa phrase, mais la fin lui fut parfaitement perceptible, et Alael n’aurait pu choisir meilleure formulation pour la mettre de bonne humeur. Tout en prenant son temps pour émerger et se redresser, la principale concernée par ses railleries se frotta les yeux avant de répondre sous le même ton que sa camarade.

« Ah bon, pourtant je croyais que c’était ton chat qu’on allait chercher. Car c’est bien connu que les vieilles sorcières rabougries dans ton genre ont bien souvent un petit minou à défaut de trouver un compagnon. Rien de bien surprenant vu comme t’es fichue, çà ne doit pas être facile tous les jours ma pauvre. »

La petite peste s’était à présent relevée et était entrain de se débarrasser des quelques brins d’herbes qui s’étaient accrochés à ses poils. Et vu qu’elle s’était à présent satisfaite elle-même en répondant de la sorte à son alliée du jour, elles allaient peut-être toutes les deux se concentrer sur leur mission… ou pas.

« Au fait j’ai oublié le nom du matou qu’on doit trouver, et le tien par la même occasion, mais çà s’est pas encore trop grave. Tu ne serais pas me dire comment qu’il s’appelle, ce serait plus simple de le chercher ainsi. »

Avait-elle oublié qu’il valait mieux éviter de prononcer son nom à outrance ? C’était là une chose forte probable lorsqu’on connaissait les capacités d’attention de notre jeune amie sur un sujet qui ne l’intéressait guère. Mais d’un autre côté il était plus simple de trouver le dit matou en l’appelant, si comme l’autre type sinistre et pas beau l’avait dis, il viendrait à elles une fois son nom prononcé.

Yuma prit le temps de s’étendre et de se frotter les yeux avant de répondre le plus naturellement possible à la petite boutade qu’Alaël venait de lui lancer. L’habituel « vieille sorcière » jaillit bien évidemment, mais Alaël ne s’en formalisa pas, car non seulement ce terme était devenu familier dans la bouche de la féline, mais également parce qu’elle savait qu’elle l’avait un peu cherché. Elle ne répliqua donc pas, préférant observer sa partenaire éjecter l’un ou l’autre brin d’herbe accroché à son pelage. Lorsqu’elle eut fini de s’afférer à cela, elle lui dit qu’elle avait oublié le nom de leur cible, précisant par la même qu’elle n’avait pas davantage retenu le sien. Alaël poussa un léger soupir, puis regarda la féline avant de lui répondre :

« Je te le dirais bien, mais bon, paraît qu’il apprécie pas trop que l’on cite son nom. Alors, on va éviter ok ? Mais bon, je suis d’accord pour te l’écrire, et si jamais tu t’amuses à le crier pour le ramener, libre à toi, mais t’assumeras les conséquences. »

Elle chercha un instant dans son sac après le bout de papier que lui avait donné le conseiller et sur lequel était inscrit le nom du démon, puis le tendit à Yuma. Celle-ci le saisit, elle le parcourut rapidement des yeux. Alaël se demandait si elle allait s’amuser à appeler le démon, ce qui n’aurait rien eu d’étonnant, connaissant la féline. Que se passerait-il si jamais elle le faisait ? Le démon allait-il apparaître ? Cependant, Yuma ne semblait pas se décider à le faire, et elle-même préférait ne pas tenter l’expérience. Elle se souvint alors que sa compagne ne se souvenait plus de son nom, et décida de lui redonner cette information :

« Au fait, tant que j’y suis, je m’appelle Alaël. Ça pourrait être utile de t’en souvenir, le temps qu’on finisse cette mission. Je suis pas sure de toujours répondre à vieille sorcière, donc… »

Même si elle avait donné son nom, elle doutait fort que Yuma fasse l’effort de s’en souvenir, la connaissant. Mais bon, au moins, elle ne pourrait pas prétendre qu’elle ne lui avait pas dit.

Bien que le soleil fût encore haut dans le ciel, Alaël estima qu’il valait mieux qu’elle se mette en route immédiatement. L’idée d’entrer dans cette forêt ne l’enchantait guère, mais celle d’y passer la nuit était encore pire. Aussi, proposa-t-elle :

« Bon, on fait quoi ? On y va ou pas ? Ce serait dommage de prendre racine ici. À moins que tu aies une autre idée ? »